Surveillance des pesticides : Résultats de la Campagne Nationale Exploratoire des Pesticides dans l’air (Anses/Ineris/Atmo France) La campagne nationale exploratoire de mesures des résidus de pesticides dans l'air ambiant livre ses premières conclusions...

Tractor spraying wheat field with sprayer, herbicides and pesticides

Fiche pratique

Thématique : Études

Publié le : 03 juil. 2020

Contexte

Bien que les pesticides ne soient pas réglementés dans l’air, les Associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) fédérées au sein d’Atmo France mesurent depuis 2001 les concentrations de ces substances sur l’ensemble du territoire.

Fort de cette expérience, les AASQA ont participé à la réalisation de la Campagne Nationale Exploratoire de mesures de résidus de pesticides dans l’air ambiant (CNEP) pilotée par l’Anses, l’Ineris et Atmo France. Les résultats de ces mesures réalisées de juin 2018 à juin 2019 sont publiés ce jour (rapport LCSQA).

Grâce à un protocole harmonisé, cette campagne a permis de mesurer 75 substances (dont le glyphosate) sur 50 sites couvrant des situations variées et répartis sur l’ensemble du territoire national (métropole et DROM).

En Bretagne, trois sites de mesures ont été instrumentés durant cette année de mesures en concertation avec les acteurs locaux  :

  • 1 site en zone péri-urbaine à Mordelles (en périphérie de Rennes) sous influence agricole de type grandes cultures,
  • 1 site en zone urbaine à Lamballe, sous influence agricole de type élevage. Un dispositif complémentaire permettant de rechercher spécifiquement le glyphosate, en plus de la liste commune de substances, a été installé sur ce site.
  • 1 site en zone rurale à Henvic (près de Morlaix) sous influence agricole de type cultures légumières.

La campagne nationale avait pour objectif d’établir le premier état des lieux harmonisé des niveaux de concentration en pesticides dans l’air ambiant en situation de fond (hors influence directe d’une culture). Elle devrait servir de base pour la définition d’une stratégie nationale de surveillance des pesticides dans l’air.

Les résultats en quelques chiffres

Les résultats de la CNEP confortent les données produites chaque année par les AASQA. 

Rappelons que ces données nationales sont régulièrement compilées dans la base PhytAtmo accessible en opendata sur les sites Atmo France et data.gouv.fr.

Les données de mesures bretonnes effectuées par Air Breizh depuis 2002 sont également disponibles en open data sur le site internet de l’association.

A l’échelle nationale (métropole)

  • 19 substances actives, parmi les 75 recherchées, n’ont jamais été quantifiées durant cette année de mesures.
  • 3 substances ont été quantifiées sur plus d’un prélèvement sur deux. Il s’agit du glyphosate et de la pendiméthaline, appartenant tous les deux à la famille des herbicides et du lindane (pourtant interdit d’utilisation depuis 1998).
  • en termes de concentrations moyennes annuelles, 8 substances présentent des concentrations moyennes annuelles supérieures de  0,1 ng/m3 en métropole dont 2 avec des niveaux de concentrations nettement supérieurs aux autres : le folpel (fongicide utilisé sur les vignes) et le prosulfocarbe (herbicide utilisé principalement sur les céréales d’hiver).
  • parmi les substances interdites recherchées, le lindane a été très fréquemment quantifié avec cependant une concentration moyenne annuelle de 0,06 ng/m3.
  • les données globales annuelles par profil agricole n’ont pas permis de distinguer des substances exclusivement liées à certaines cultures.
  • la comparaison des données selon les typologies d’exposition (urbain/rural) n’a pas montré de différences significatives.
  • l’étude de la distribution temporelle des niveaux de concentration toutes substances confondues et par profil agricole, a permis de conforter et de compléter les données relatives aux périodes de traitement connues des différentes cultures.

… et en Bretagne ?

Une synthèse régionale de ces résultats sera diffusée d’ici l’automne prochain. En préalable, voici ci-dessous les points essentiels :

  • environ 50 substances parmi les 75 recherchées n’ont jamais été quantifiées sur les sites bretons,
  • parmi celles quantifiées, 4 à 6 selon les sites, ont été quantifiées sur plus d’un prélèvement sur deux. En plus des trois substances fréquemment mesurées au niveau national, figurent  les trois herbicides suivants : le prosulfocarbe, le triallate et le S-métolachlore dont les usages régionaux pourraient être plus importants.
  • en termes de concentrations moyennes annuelles, le nombre de substances dont les niveaux annuels sont supérieurs à 0,1 ng/m3 est inférieur à celui enregistré au niveau national. Seul le prosulfocarbe présente une concentration supérieure à 1 ng/m3 en moyenne annuelle à l’image des résultats nationaux.
  • la distribution temporelle des niveaux enregistrés dans l’année sur chacun des sites est conforme à celles observées sur des sites d’influence agricole similaire :
Influence majoritaire des grandes cultures (Mordelles) : pesticides mesurées toute l’année, avec cependant des concentrations plus élevées d’octobre à décembre (atteignant plusieurs dizaines de nanogramme par mètre cube) puis en mars/avril où les niveaux hebdomadaires sont plus faibles mais les substances mesurées plus nombreuses.
Influence majoritaire de l’élevage (Lamballe) : niveaux de concentrations majoritairement inférieurs à quelques nanogrammes par mètre cube avec toutefois quelques mesures plus élevées en période hivernale.
Influence majoritaire du maraîchage (Henvic) :  les niveaux de concentrations sont restés relativement homogènes toute l’année ne dépassant pas 5 ng/m3 excepté une légère augmentation en période hivernale.

Cette campagne de mesures a permis d’enrichir les données de mesures régionales de pesticides dans l’air à plusieurs niveaux, notamment : l’étude d’autres types d’influences agricoles et des mesures portant sur l’ensemble de l’année (contrairement aux précédentes campagnes réalisées dans la région jusque-là).

Vers une surveillance nationale réglementaire ?

Sur la base de ce diagnostic partagé et conformément à l’engagement pris dans le Plan national de Réduction des Emissions de Polluants Atmosphériques (PRÉPA), Atmo France et les AASQA rappellent la nécessité de la mise en œuvre d’une surveillance nationale réglementaire adossée à des valeurs de gestion. L’élaboration de ces dernières est incontournable afin de répondre aux questionnements et problématiques locales des territoires.

Dans cette attente, les AASQA réaffirment les recommandations suivantes :

  • Multiplication des sites de mesures pérennes afin de produire une information locale, fiable et représentative ;
  • Incorporation de la mesure des pesticides dans l’air ambiant comme indicateur de suivi dans les dispositifs actuels de réduction de l’usage des pesticides ;
  • Mise en place d’une plateforme nationale d’enregistrement des produits phytopharmaceutiques pour centraliser aussi bien les achats de pesticides que leur utilisation recommandée par le rapport parlementaire de la mission d’information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate de novembre 2019 ;
  • Prise en compte du suivi des pesticides dans l’air dans les politiques de santé environnementale.

Rappel du protocole de la campagne nationale en quelques lignes

  • 50 sites de mesures (dont 5 dans les DROM)
  • 10 situations d’expositions différentes de la population entre des typologies de sites urbains (ou péri-urbains) et ruraux et des profils agricoles : grandes cultures, viticultures, arboriculture, maraîchage, élevage.
  • 75 substances analysées dont le glyphosate (et son métabolite l’AMPA) sur quelques sites.
  • mesures hebdomadaires des substances semi-volatiles et mesures 48h de 3 substances polaires (dont le glyphosate).
  • 12 mois de mesures de juin 2018 à juin 2019 selon un plan d’échantillonnage spécifique à chaque profil agricole.
  • 1 laboratoire unique (IANESCO).
  • 1400 analyses par substances, 112 000 données de mesures.